Les déclarations récentes du ministre de l’intérieur, évoquant la possibilité de “regarder” les subventions accordées à la Ligue des droits de l’Homme, en fonction de leurs actions et de leurs prises de positions dans le débat public, ainsi que les dispositions de la loi de 2021 sur le “séparatisme”, qui ont conditionné la possibilité pour une association de bénéficier de subventions publiques à l’adhésion à une “charte” définie par décret, contribuent à un climat défavorable à la liberté d’association, qui nous inquiète fortement.
Paradoxalement, ce climat conforte aussi le choix que nous avons fait dès la création de notre association en 2016 : ne pas solliciter, en matière de fonctionnement, de subvention publique (ni de mécénat privé) pour garantir la plus grande liberté possible dans la conduite de nos activités associatives.
Indépendance économique, indépendance politique
Nous avons voulu éviter qu’un acteur politique, national ou local, vienne faire peser au-dessus de nos têtes une épée de Damoclès sonnante et trébuchante, pour nous reprocher d’organiser nos permanences juridiques venant en aide aux démarches des exilés, nos ateliers consacrés aux modes d’actions des mouvements écologistes, nos projections et nos débats visant à alimenter des caisses de grève, ou toute autre action que les militants que nous sommes pourrions vouloir engager demain.
Ce choix initial a surpris, dans un paysage associatif très largement soutenu par les deniers publics. Il nous semble aujourd’hui pertinent, dans ce contexte où les pouvoirs publics peuvent contrôler voire piloter l’action associative à travers des financements de court terme, souvent sous la forme d’appels à projet.
La liberté voulue par notre collectif a un prix : elle suppose la construction d’un modèle économique spécifique, qui nous soumet à d’autres risques. Le nôtre repose sur une activité de petite restauration et de débit de boissons, dont le succès dépend de l’engagement de plusieurs centaines de bénévoles chaque année, qui permettent aux quelque cinq mille adhérents de l’association de bénéficier d’un lieu ouvert aux propositions engagées, conviviales et utiles, tourné vers le quartier dans lequel il se trouve, au nord du 18e arrondissement de Paris.
Solidarité associative
Nous entendons que tous les projets associatifs ne se prêtent pas au type de modèle économique que nous avons choisi. Il nous semble néanmoins que nous pouvons réfléchir collectivement aux moyens de consolider, en pratique, la liberté d’association : d’abord en favorisant l’engagement personnel des bénévoles, qui reste la plus grande force du mouvement associatif ; ensuite en encourageant la diversification des sources de financement ; enfin, en partageant les expériences, réussies ou non, visant à renforcer l’autonomie politique et économique des associations.
Comme lieu et comme collectif, Le Bar commun se propose d’accueillir, au cours des semaines et des mois à venir, celles et ceux qui souhaiteront participer à ces réflexions et à ces actions en faveur de la liberté effective d’association en France.